La fatigue se faisait sentir, non pas que la journée ait été exceptionnelle, il n'avait fait que vaquer à ses occupations habituelles à présents, mais après plusieurs heures d'activités il sentait les effets du manque de sommeil. Très tôt ce matin il avait encore été tiré de ses songes par cette douleur étourdissante qui empoignait ses jambes presque inertes. Charles donnerait beaucoup pour une nuit correcte ou même une journée mais le fait ait qu'il n'avait guère le choix, on ne guérissait pas d'une telle chose.

C'était dans ces instants que ses capacités se transformaient elles aussi en douleur, ce brouhaha infini finissait en général par achever sa fatigue. Faire le tri, se protéger, cela devenait délicat avec ce manque de sommeil et ne parlons même pas des émotions violentes qui pouvaient survenir et qui s'ajoutaient à ses propres souffrances ... Cela faisait bien longtemps que Charles n'avait pas autant désiré un moyen de mettre en pause tout cela, le temps de se reposer.

Les yeux clos, installé devant une fenêtre, Charles tentait donc de faire le tri dans son esprit en se massant la tempe d'une main. C'est ainsi qu'il sentit la présence du jeune homme, cela faisait plusieurs fois qu'il venait à errer autour du domaine. Sa curiosité était celle de son "métier" mais aussi celle bien enfantine qui révélait l'enfant qu'il était encore. Le télépathe savait déjà beaucoup de lui et il le laissait donc errer ainsi, espérant qu'un beau jour il se lancerait dans le bain et oserait franchir le portail.

Aujourd'hui il était là encore, à observer les allers et venus. Il était peut-être temps de lui donner un peu d'aide, il devait au moins découvrir que ce qui se dissimulait derrière ces murs pouvaient aussi être à lui. Charles aida donc le jeune homme à se décider, lui insufflant ce dont il avait besoin pour se lancer dans cette exploration qui le tentait tellement. Alors qu'il se mêlait à un petit groupe d'élève Charles fit taire toutes interrogations de la part de ses étudiants pour ne pas effaroucher le nouveau venu qui était certes à l'aise mais qui pourrait peut-être rebrousser chemin en s’apercevant que sa présence était reconnue comme étrange.

Alors que Remy faisait ses premiers pas à l'Institut Charles s'assura qu'il venait bien jusqu'à lui, se concentrer sur une telle chose était bien salvateur pour lui qui gagnait une raison suffisante pour ignorer les autres voix. Le télépathe s'amusa des idées enfantines du jeune homme qui trouvait bien des façons d'user du manoir dans lequel il était entré. Il ne fallut guère longtemps pour ce nouvel invité arrive jusqu'à lui et lorsque enfin ce fut le cas Charles laissa retomber sa main sur l'accoudoir de son fauteuil qu'il fit pivoter vers le nouvel arrivé avec un fin sourire.

▬ " Bonjour Remy, ravi de voir que tu t'es enfin décidé à venir nous rendre visite. " Charles s'amusait de ce genre d'introduction, cela avait tendance à perdre un peu son auditoire mais aussi d'attirer entièrement son attention. " Saches qu'il y a des choses ici auxquelles je tiens alors demande moi avant "d'emprunter" quoique ce soit. "

C'était là une façon comme une autre de l'avertir qu'il aurait quelques difficultés à ravir quoique ce soit sans qu'il n'en ait conscience. Un avertissement délivré bien sereinement avec un sourire qui allait avec ses paroles posées.

Comme introduction il y avait plus délicat c'est certain, surtout face à un jeune garçon impressionnable mais il y avait aussi beaucoup abrupte et Charles estimait avoir là un bon équilibre. Il avait gagné l'entière attention de son jeune interlocuteur et c'était bien là tout ce qu'il cherchait. Avec son fin sourire il le laissa s'interroger sur ces mots qui induisaient plusieurs choses et qu'il avait saisi sans mal. Remy tenta donc de garder les apparences, prétendant ainsi contrôler cette situation qui lui échappait. Une réaction assez originale pour un enfant mais guère étonnante de sa part. Charles aurait pu s'amuser de cette situation mais à présent qu'il l'avait intrigué, voir inquiété, il ne pouvait pas se permettre de montrer une telle chose et c'est donc bien pour cela qu'il se contentait d'afficher cette sérénité souriante en attendant que le jeune garçon retrouve sa langue.

▬ " Comment tu connais mon nom ? " Sentant que les questions n'étaient pas fini Charles attendit patiemment que Remy reprenne véritablement contenance et tente inutilement de l'amadouer. " Qui es-tu ? Comment sais-tu tout ça ?! "

Inutilement car déjà Charles ne se ferait pas ainsi charmer, ce genre de choses ne l'atteignaient guère mais aussi car il avait bien l'intention de répondre à ces questions et donc vouloir le "forcer" à le faire d'une quelconque manière était inutile. D'une légère pression de la main le télépathe avança un peu vers le garçonnet avant d'à nouveau s'arrêter avec son fin sourire.

▬ " Je suis Charles Xavier, le créateur de cette école. " Autant commencer par les présentations après qu'il lui ait prouvé qu'il le connaissait, c'était le minimum des politesses. Pour ce qui était de la suite, le télépathe reprit calmement. " Je sais tout cela de la même manière que tu es capable de faire quelque chose d'unique. " Découvrir qu'ils n'étaient pas seul, Charles aimait cet instant que chacun vivait à sa façon. Cela changeait leur vision du monde et ouvrait bien souvent des portes jusqu'alors insoupçonnées. " Tu n'es pas le seul a posséder un talent. Chacun ici a un petit quelque chose qui le rend tout à fait unique. "

Charles laissa ensuite le silence se poser sur ses paroles pour que son jeune interlocuteur les assimilent et trouvent de quoi y réagir. C'était nécessaire car ce n'était pas là une information anodine et mieux valait ne pas submergé le jeune homme d'information pour éviter de le faire fuir devant ces découvertes qu'il devait accepter. Attentif, le télépathe gardait son attention sur l'esprit de Remy, trouvant ainsi une raison suffisante pour faire diminuer ces multiples autres voix qui l'assaillaient en permanence.

Comme il fallait s'y attendre le jeune homme prit quelques instants pour assimiler l'information qui venait de lui être transmis. Méfiant, il ne semblait pas vouloir trop y croire mais cela découlait aussi probablement aussi du fait que ce fait pouvait lui apporter un peu trop d'espoir. Remy voulait s'éviter une déconvenue trop cuisante et semblait prendre le partie de la méfiance pour se protéger. Réaction tout bonnement naturelle même si Charles avait déjà apporté quelques éléments pour prouver ce qu'il annonçait, comment aurait-il pu le connaître autrement ? Mais il était évident que sa capacité ne prenait pas tout le temps une forme très spectaculaire et laissait donc perplexe le garçonnet qui avait probablement besoin de voir autre chose pour être convaincu.

Dans tous les cas le télépathe suivi tranquillement le cheminement des pensées de l'enfant avec un fin sourire, attendant qu'il arrive à la conclusion qui lui semblerait la plus adéquate. Les brusqueries ne servaient à rien et puis Charles avait de l'expérience dans ce genre de situation alors il l'abordait avec une grande sérénité, laissant le temps faire son office. Et comme prévu, Remy tira bientôt une décision de sa réflexion.

▬ " J’ai vraiment du mal à te croire. J’voudrais bien que tu me  montrer tout ça. De voir ça de mes propres yeux. De rencontrer ces gens ? " Le jeune homme avait envie d'y croire mais avait besoin de preuve, voilà une réaction assez naturelle. En préservant son sourire Charles porta quelques doigts à sa tempe.
▬ " Libre à toi de parcourir ces couloirs, tu devrais voir ce que tu désires. " Cette voix claire et audible ne sortie pas de la bouche du télépathe mais bien de son esprit qu'il projeta dans celui du jeune homme pour lui répondre. Il lui offrait ainsi une part de preuve peut-être déjà convaincante avant que peut-être il ne décide de partir à la rencontre des élèves séjournant à l'Institut. " Prends ton temps, tu sauras où me retrouver. "

Charles avait reposé ses doigts sur l'accoudoir de son fauteuil, retrouvant sa voix pour achever cette réponse. Si Remy se lançait dans l'excursion du Manoir il ne suffirait qu'au télépathe de lui intimer où il se situait lorsque l'enfant voulait le retrouver, comme il l'avait fait lorsqu'il était entré dans le domaine. Rien de bien compliqué qui laisserait les deux individus libre de leurs mouvements le temps de cette balade.

Ce jeune homme avait besoin de preuves, rien d'étonnant à cela. Charles lui apporta donc une à sa manière tout en lui disant qu'il était libre de partir vadrouiller entre les murs du manoir. Il trouverait bien ce qu'il recherchait au détour d'un couloir et pourrait peut-être réagir en conséquence. Enthousiaste, Remy ne tarda pas à oublier la surprise de la discussion télépathique pour en revenir à ce qu'il avait obtenu le droit de faire.

▬ " Super, merci beaucoup, c’est top !  Par contre tu es sûr que je te retrouverais sans problème ? " En posant cette question le jeune garçon trouva un début de réponse par lui-même mais Charles préféra lui confirmer cette intuition naissante d'un fin sourire.
▬ " Tu me retrouveras aussi facilement que la première fois. " Tout cela perturbait un peu son jeune interlocuteur mais il surmontait cela assez bien car il ne s'écoula pas beaucoup de temps avant qu'il ne s'élance vers la sortie.
▬ " J’y vais. A toute à l’heure. "

Et Remy disparut, laissant un fin sourire amusé sur les lèvres de Charles. Ce dernier suivi un peu les aventures du jeune garçon avant de pivoter vers une fenêtre devant laquelle il finit par se placer. Cet instant de tranquillité eu comme d'habitude l’insidieux effet de faire remonter cette sourde et puissante douleur qui empoignait son corps brisé.

Alors que les traits de son visage se crispaient Charles passa une main sur sa jambe inerte qui trouvait cependant le moyen de se rappeler à lui. L'inactivité ne lui apportait rien de bon aussi préféra t-il écouter ces voix qui lui parvenaient en permanence. Se concentrer sur ce qu'elles pouvaient dire l'aidait parfois à repousser ces douleurs physique.

De temps à autre il retrouva l'esprit de son jeune invité qui progressait dans sa découverte jusqu'à ce que Charles finisse par sentir se désir de revenir sur ses pas. Il le guida alors comme la première fois, sentant que sa visite avait porté les bons fruits. Ils finirent donc par se retrouver dans la même pièce que précédemment et le jeune garçon ne tarda pas à manifester son envie naissante.

▬ " J’pourrais assister à certains cours ou passer quelques jours ici pour en voir un peu plus ? " Charles s'était retourné vers Remy avec un fin sourire. C'était bien là un résultat qu'il avait recherché.
▬ " Tu es libre de rester ici le temps que tu souhaites. Nous serons ravis de pouvoir t'accueillir. " Ils n'étaient pas encore très nombreux ici alors la place ne manquait guère. Et peu importe le temps que resterait ce garçon le principal et qu'il sache qu'il était libre de trouver refuge ici parmi les siens. " As-tu vu des choses intéressantes ? "

Charles connaissait déjà la réponse à cette question mais il était toujours plus intéressant d'entendre cela de la bouche de son interlocuteur, sans compter que c'était sans doute plus poli aussi. L'idée d'appeler Hank pour qu'il prenne le relais avec ce garçon lui effleura l'esprit mais le télépathe décida que mener encore un peu cette discussion ne ferait guère de mal.

La télépathie n'était guère utile pour lire l'enthousiasme du garçon lorsque Charles lui confirma qu'il était libre de rester. Cette perspective enchanta son invité et laissa un sourire sensiblement amusé sur les lèvres du professeur qui observait cette réaction d'un air serein.

▬ " Super, j’suis trop content. "

Et cela faisait assez plaisir à voir. La jeunesse de Remy l'aidait à voir le monde sous le meilleur angle, certains appelleraient ça de la naïveté et prendraient cela pour un défaut alors que Charles trouvait que c'était une qualité qu'offrait l'âge. Et même pour ceux qui l'avaient perdu, l'observer leur rappeler quelques petites choses essentiels de la vie.

Même si le professeur avait quelques idées sur ce que le jeune garçon avait pu observer durant sa petite balade, il lui demanda de lui raconter ses découvertes.

▬ " J’ne sais pas trop si ce que j’ai vu étais bien réel ou si j’étais dans le monde du marchand de sable… C’est aussi pour ça que j’te demande si je peux passer un peu de temps ici, pour être sûr ! "

Relativement habitué aux entourloupes, il persistait une pointe de suspicion chez l'enfant mais cela demeurait assez naturel. Tant qu'elle n'était pas démesuré et ne l’empêchait pas de voir au final la vérité il n'y avait rien de préoccupant.

▬ " Prends ton temps pour t'assurer de cela alors. "

Peut-être cherchait-il là aussi une bonne raison de rester dans le coin, c'était une façon de se rassurer comme une autre après tout. Enfin quoiqu'il en soit Charles arrivait au bon objectif, même avec l'usage de ce prétexte. Mais un autre sujet semblait faire réfléchir le garçonnet qui hésita quelques instants à formuler ce qui se tramait dans son esprit. Le professeur attendit donc qu'il se départage et se lance dans la formulation de ce qui le préoccupait.

▬ " Ça s’rais bien que je puisse, seulement venir, le matin ou l’après-midi. C’est possible ? Je ne veux pas, pour le moment, que ma famille sache quoique ce soit. Je voudrais pouvoir continuer à faire des choses pour aider mes parents et mon frère sans qu’ils se posent de questions. "

Il est vrai que montrer un autre style de vie au garçon serait probablement une grande priorité mais cette entreprise pouvait encore un peu retarder son commencement. L'influence de sa "famille" même aimante n'était pas recommandé mais Remy aurait sans doute l'occasion de faire la part des choses plus tard.

▬ " C'est possible. " Après tout chacun était ici libre d'aller et venir même si les étudiants étaient officiellement sous la responsabilité du corps enseignant et que donc à ce titre il y avait quelques interdictions. Mais Remy n’entrait pas dans ce cadre. " Mais promets moi de faire attention, tu as une longue marche pour venir jusqu'à nous. "

Un fin sourire sur les lèvres, Charles préférait donc s'assurer que la garçon fasse attention sur cette route. Si le jeune homme revenait régulièrement ils auraient tout le temps d'évoquer d'autres petits sujets préoccupants.

Ainsi le jeune homme semblait conquit. Le chemin qu'il avait à faire pour venir à l'Institut était bien long mais il ne désirait pas laisser sa "famille", un choix que Charles comprenait même si cela promettait quelques longues expédition à ce si jeune homme. Néanmoins il était débrouillard et nul doute qu'ils le reverraient trainer dans le coin. Ravi des nouvelles qu'il venait de quérir, Remy semblait avoir quelques difficultés à tenir en place alors que l'heure du départ semblait arriver. Il demeura cependant encore un peu en sa compagnie pour avoir les réponses à ses dernières questions.

▬ " C’est super chouette. C’est promis, je f’rais très attention. Peut-être que j’arriverais à me faire accompagner une grande partie du chemin. Je dois voir avec toi pour les moments où je dois venir ? Ou je viens comme je le sens ? " Charles préserva son fin sourire devant ces interrogations protocolaire mais légitime.
▬ " Tu peux venir quand tu le souhaites mais je ne serais pas contre le fait que tu viennes me saluer lorsque tu passeras. " Il serait certes au courant de la présence du jeune homme entre ces murs bien avant qu'il n'arrive mais cela n'empêchait rien n'est-ce pas ? Cela leur permettrait de discuter un peu, voir ainsi comment la situation évoluait.

▬ " J’espère qu’on pourra encore parler ensemble !  Par contre l’heure passe et je dois y’allez. On se dit à demain ?  Matin ou après midi ?... " Charles croisa légèrement ses doigts devant lui en préservant son sourire serein sur ses lèvres.
▬ " Comme tu le souhaites. A demain alors. "

Laisser repartir l'enfant, lui laisser refaire tout ce chemin à travers la forêt. Ce n'était pas une brillante idée, Charles en était bien conscience mais personne ici n'avait à être retenu cela devait être le choix de Remy. De plus l'enfant n'était guère sans ressource alors ce trajet ne devrait pas véritablement lui poser de problèmes. Cela n'empêchera cependant pas le télépathe de le suivre dans un coin de son esprit, veillant ainsi que sa sûreté était préservée.

Une fois l'enfant disparu dans les couloirs, Charles s'en retourna à sa fenêtre, laissant ces voix peser sur son esprit en apportant leur joie et leur peine. L'occupation le préservait de la fatigue mais il se demandait encore souvent comment il allait pouvoir soutenir cette vie qui était la sienne à présent. La seule raison pour laquelle il s'accrochait encore patiemment était représentée par le jeune homme qui filait de nouveau vers la ville et qui avait trouvé un lieu où il était libre d'apprendre au milieu de ses semblables.